« La naissance médiatique du bois de Boulogne » in Géographie des Homophobies (Armand-Colin, 2013)

 Un extrait de cet article et l’intégralité sur le site  HAL Sciences de l’Homme et de la Société (http://halshs.archives-ouvertes.fr)

Géographie des Homophobies
Géographie des Homophobies

Transidentités et média(tion)s

 

Le Bois de Boulogne : mythification de la prostitution des trans’

 

Comme un enfant sauvage
J’ai traversé tous les âges
Mais s’il te faut choisir une cage
Avec toi je la partage
Sid’aventure, je vous quittais
Sid’aventure, je partais
Sid’aventure, je vous laissais
Cette blessure, à jamais mon amour
Jean-Louis Aubert, Sid’aventure,
Album : Bleu Blanc Vert, EMI, 1989

Cet article pourrait aussi s’intituler : Le Bois de Boulogne, exemple d’une modélisation médiatique, sociale et culturelle : VIH-Transgenres-Étrangères. Nous travaillons sur les représentations issues des imaginaires sociaux et médiatiques : Comment fabrique-t-on des modèles, des typologies, des stéréotypes ?

Fabrice Virgili et Danièle Voldman[1] montrent dans La garçonne et l’assassin (ouvrage, documenté avec  photos, lettres, journaux intimes, documents judiciaires) que le Bois existe depuis le début du siècle comme lieu de socialité et de rencontres pour les « travestis », comme dit dès cette époque. Quant à nous aujourd’hui, nous associons en savoirs et en imaginaires les termes « bois de Boulogne », « prostitution » et « trans[2] ».

En France, le lieu a été l’objet d’une attention médiatique spectaculaire, sans parler des termes particuliers de médiatisation, au cours des années 1990. La presse populaire (reportages de Paris-Match[3] notamment) montre une place de prostitution de travestis brésiliens. La télévision porte cette spectacularisation à un degré qui laisse sans voix le chercheur comme le profane. Du jour au lendemain, dirait-on, le Bois et le Sida retiennent l’attention des pouvoirs publics et des médias alors que les associations de support et de prévention sont sur le terrain depuis des années.

Les archives INA permettent ici une prise de mesure et de distance sans égale, malgré les contraintes temporelle de sauvegarde[4]. Au sein d’un corpus[5] nous avons isolé les matériaux illustrant ce thème, ou ce mythe, temps majeurs de la médiatisation des trans’ à la télévision. Dans l’index titre et l’index mots-clés, « bois de Boulogne » permet d’abord de retrouver de très nombreuses images (cinéma ou presse filmée) du Bois au début du siècle. Le lieu est alors celui de la promenade du dimanche, avec ses allées propices aux flâneries et pique-niques familiaux, ses berges accueillantes aux nombreux pêcheurs – une ligne documentaire qui se poursuit jusqu’à la fin du siècle (joggeurs des années 1980, tempête de 1999). Une seconde approche tient ensuite aux lacunes du corpus. Le terme « travesti » ne renvoie nullement à un document comme Carnet de route : la route de la prostitution (un morceau de télévision quasi fondateur du discours et de l’imaginaire du Bois[6]), malgré une introduction et des commentaires sans équivoque à propos du Bois, ses travestis, son ballet de voitures. Autre signe de la prudence avec laquelle il convient d’aborder les triangulations de recherche par mots-clés. Ce sera aussi le cas pour certaines fiches des journaux télévisés ne comportant aucun descripteur et aucun résumé. Nous reviendrons en détail, à ce propos, sur une émission proposée par Christine Ockrent en  1990. (…)

L’intégralité de l’article se trouve ici : Naissance_mediatique_du_bois_de_Boulogne.


[1] Fabrice Virgili, Danièle Voldamn, La garçonne et l’assassin – Histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti dans le Paris des années folles, Payot & Rivages, collection Histoire, Payot, 2011.

[2] En rapport à la culture du terrain transidentitaire, je parle des personnes dans le genre exprimé ou revendiqué à l’opposé de la tradition médicale. J’utiliserais aussi les termes : transgenre, transidentité, ou trans’. J’utiliserais aussi le terme “travesti” qui fait sens dans la culture sud-américaine entre autres, mais aussi par rapport à son utilisation par les médias (journalistes, commentateurs) et les institutionnels (police, médecins).

[3] Parmi d’autres dossiers, notons celui du 24 avril 1973 : Tous les secrets du bois de Boulogne, Paris Match, n° 1250.

[4] Si on ne trouve pas de sujet majeurs traitant du bois avant 1984, cela ne veut pas dire qu‘il n’en existe pas. Entrent en compte les intitulés comme l’avancement de la sauvegarde.

[5] Dans le cadre d’une thèse de doctorat intitulée : La construction médiatique des transidentités : une modélisation sociale et culturelle ; les visionnages ont eu lieu sur une période de trois ans (2009 à 212).

[6] À 22:17:08:49.

Auteur : Karine Espineira-Joannidis - Karine Espiñeira

Bio' Sociologue des médias. Membre associée au LEGS, Université Paris 8. Docteure en Sciences de l’information et d la communication, Université de Nice - Sophia Antipolis, membre de l’université Côte d’Azur. Mes travaux s’inscrivent dans les champs des études de genre, des études culturelles et des études transgenres. Mes recherches portent notamment sur les constructions médiatiques des transidentités, sur les modèles de genre dans les médias, et les politiques transféministes. Membre du Conseil scientifique de la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH) Auteure, entre autres ouvrages, de : La transidentité : de l’espace médiatique à l’espace public (2008) ; Transidentités : ordre & panique de genre : Le réel et ses interprétations (2015a) ; Médiacultures : la transidentité en télévision : une recherche menée sur un corpus à l’INA (1946-2010) (2015b) ; Transidentités et transitudes. se Défaire des idées reçues (2022), avec Maud-Yeuse Thomas.

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